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Notes sur les bandha

par Béatrice Viard

Bandh : fixer, lier, entraver, enchaîner -> enfermer, maintenir à l’intérieur
Bandha : LIGATURE OU RELATION

1- LIGATURE : il est question de maintenir prāna à l’intérieur. De le maintenir nirodha… (canalisé, comme le mental). Mais avant il faut éliminer, brûler ce qui occupe l’espace et le condamne à rester dehors. Un travail de purification précéde la possibilité de ces ligatures, non seulement physiologique mais psychologique.
C’est le travail que vous faites depuis le début pour soigner vos expirs, vider, fléchir, réduire, enlever etc. soit l’action de tapas.

2- RELATION : les bandha pour s’installer demandent une relation réelle :
- Entre le sacrum et l’atlas, entre le bas et le haut de la colonne. Sinon on fait des manœuvres inutiles et dangereuses, on se coupe et on se « saucissonne ».
- Mais aussi entre l’avant et l’arrière. Placer les bandha demande un alignement, un détassement sans faille de la colonne. Mais vous savez que si la pratique demande dans chaque posture la connexion vivante du haut et du bas, de l’avant et de l’arrière (c’est la question des supports et des directions qui se décline dans chaque posture) elle ne cherche pas pour autant à défaire les courbures qui sont la vie, la beauté fonctionnelle de la colonne vertébrale.
Pédagogiquement, la liberté du corps, le déploiement vivant de ses fonctionnalités et de ses multiples capacités précèdent sa contrainte. Dans les bandha il y a une notion de contrainte, mais on ne contraint momentanément, et pour un effet particulier recherché, que ce qui a été d’abord rendu plus vivant, plus souple, plus accessible, plus conscient. Sinon on fait n’importe quoi avec le yoga ; on s’en sert comme d’une camisole de force[1]. De plus un dos vivant se détasse avec beaucoup moins d’effort qu’un dos raide et inconscient. N’oubliez jamais de « mettre de l’inaction dans l’action et de l’action dans l’inaction » précepte de la Bagavad Gita que le Yoga Sutra reprend à son compte en définissant la posture comme solide et détendue.
Pourquoi les bandha sont délicats à placer ? Il faut avoir d’abord ouvert et dégagé l’espace qu’on va réduire, recadrer et dans lequel on va faire une bonne cuisson (rappelez-vous de tapas qui veut dire « cuire »).
Pour que les trois bandha puissent se placer, la colonne doit être strictement alignée, donc les courbures le plus réduites possibles, les espaces du souffle le mieux connectés possibles, le trajet le plus court.
Le premier à placer est jālandhara bandha. Il fait naturellement partie des postures d’alignement et de détassement dans l’axe (samasthiti, dandāsana, mahamudra…) mais peut être aussi intégré à d’autres, à titre de recherche, comme bhujangāsana ou cakravākāsana.

Jālandhara bandha : jalan signifie : le réseau des circuits d’eau, et dhara : ce qui porte. C’est magnifique. Jālandhara bandha porte les circuits d’eau. Il est le porteur d’eau, il régule les fluides, la bonne tension des canaux internes du corps (en abréviation : JB).
Il étire la colonne à partir d’un placement judicieux de la tête qui permet une mise en tension vivante de toute la colonne. Le bassin fonctionne comme une poulie, tournant autour d’un axe horizontal entre les deux têtes de fémur. Une autre poulie au niveau de la tête tournerait, elle, autour d’un axe entre les deux oreilles. Un mouvement bien conduit d’enroulement vers l’avant donne la bonne tension à la colonne. Penser à l’image du tissage, à la bonne tension de la trame - ou de la corde du violon - la colonne comme trame, comme canevas. Il ne s’agit donc pas de mimer ce que l’on voit sur les images mais de vivre ces pratiques de l’intérieur en tenant compte de l’arrondi ou de l’extension du haut de son dos, de la raideur de sa nuque, de la position plus ou moins haute de son sternum. Il s’agit bien plutôt de préserver un espace, de contourner un espace, sans perdre la longueur de la colonne ni la direction haute de la tête.
Hatha Yoga Pradipika, p. 190 dit :
71 : « Il ligature les réseaux des conduits d’eau et empêche l’eau de la voûte céleste de couler vers le bas, d’où le nom de JB, pour ce bandha qui supprime toutes les maladies de la gorge ». (L’eau = amrita, ce qui s’écoule de candra).
72 : « Alors le nectar ne tombe plus dans le feu, et l’élément vent ne se déchaîne plus »

Et Desikachar dit : JB « aligne le tirant d’air avec le feu ».

Encore une fois attention, il ne s’agit pas de corriger les courbures mais de détasser les vertèbres.

Uddīyāna bandha : le moyen de s’envoler. Ana, le moyen, - voler, et Ud vers le haut. Voler ici concerne le diaphragme. Les deux ailes de l’oiseau sont les deux hémisphères du diaphragme. À l’arrière, le diaphragme va remonter pendant une suspension à vide qui suit un expir profond, parce que JB l’aspire à l’arrière vers le haut. On dit souvent : il faut faire une fausse inspiration, alors on appuie le centre phrénique pour soulever les côtes et remonter le diaphragme. Mais il y a alors une dépression à l’avant qui ne fait pas bouger l’arrière. Or c’est par l’arrière que le diaphragme doit s’envoler.

HYP 74, chap 3 dit : « il faut amener le vayu dans la voie dorsale, dans le suśumna-mārga ».

Résumé :
1. placer la nuque
2. impulsion qui part du plancher pelvien
Attention, le support est en haut.

Les kriya : des techniques exposées dans la HYP 20 à 35. Certaines personnes croient que pratiquer le yoga c’est appliquer ces techniques de nettoyage interne du corps. Lisez la HYP, mais lisez la bien, le II. 21 dit ceci : « Quand on souffre d’un excès de graisse ou de flegme dans le corps, on doit avoir recours auparavant à ces six actions. Mais une personne exempte de ces défauts ne doit pas les pratiquer, puisqu’il y a déjà chez elle un équilibre entre ces éléments. ». Krishnamaccharya dit qu’elles ont été introduites parce que la pratique correcte des postures et de la respiration ont été perdues. Ces six actions sont donc d’ordre thérapeutique (dauti, kapalabhati). Le sloka 37 dit : « Les impuretés sont détruites seulement par le prānāyāma !
UB : libération du diaphragme attention et non blocage.

Mūla bandha : après uddīyāna bandha, même si on garde l’étirement, un relâchement du plancher pelvien, la région de mūla, se produit à l’inspir. Pour qu’il y ait mūla bandha, il faut que mūla, la zone racine du corps, reste soulevée, soutenant apāna vers le feu de sūrya. À l’inspir, le diaphragme va redescendre, un peu, le haut de l’abdomen va se remplir mais le bas va rester maintenu, fermé. Mais pour cela il faut un périnée souple : qui peut se relâcher.
Dans mūla bandha : il n’y a pas de détente du bas de l’abdomen au-dessous du nombril.
On peut faire JB seul.
On ne peut faire UB sans JB.
Ni MB sans UB et JB.

La grande posture des bandha, c’est mahamudra.
Pour utiliser les bandha, la respiration se place près de la colonne, dans la verticale. Cela suppose qu’on utilise beaucoup l’arrière, avec étirement vers le haut.


[1] Le yoga est orienté vers la liberté, vers des relations libres et d’abord avec soi-même. Mais toute recherche de liberté a ses écueils et peut devenir un nouveau conditionnement dans des convictions et des pratiques.