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Fonctions globales des bandha

par Béatrice Viard

I. FONCTION GLOBALE DES BANDHA

Intensifier le processus de réduction de māla. Pour le yoga, māla recouvre tout ce qui est mal digéré, mal assimilé, s’accumule dans le corps, principalement dans la région basse de l’abdomen, et devient toxique. Les bandha vont intensifier l’action du feu, en dirigeant la flamme de sūrya encore plus précisément vers apāna. Ceci, dans sa forme aboutie, c’est-à-dire quand les trois bandha sont placés, implique soit de retourner le corps (postures inversées), soit de retourner la flamme elle-même par des inspirs très bien conduits en même temps qu’une grande tonicité de mūla qui soulève apāna). N’oubliez pas que naturellement toute flamme se dirige vers le haut : vous pouvez incliner une bougie, vous n’inclinerez jamais sa flamme, sauf en soufflant dessus.

II. ZONES CONCERNÉES PAR CHACUN DES 3 BANDHA

Jālandhara bandha implique le cou et partie supérieure de la colonne, redresse la colonne vertébrale, « aligne le tirant d’air avec le feu », dit Desikachar et réduit l’écoulement de amṛta.
Il se prend à la fin de l’inspir quand clavicules et sternum sont en position hautes et quand le haut du dos a été redressé par l’inspir. Ses domaines de prédilection sont les postures d’alignement et de détassement maximum de tout le tronc : samasthiti, dandāsana, adhomukha svanāsana, mahamudra etc. et toutes les postures d’assise pour le prānāyama. Il n’a pas lieu d’être dans les extensions ni dans les torsions.
Il est naturellement placé par la table à deux pieds et invité par les postures couchées sur le dos.

Uddīyana bandha concerne le bas du tronc entre diaphragme et plancher pelvien. Il soulève apāna vers le feu.
Il se prend pendant la suspension du souffle après l’expir (bahya kumbaka). (Le préalable est que celle-ci soit maîtrisée.) Il est favorisé par les postures couchées sur le dos ou en inversion, puis introduit dans mahāmudra et dans les prānāyama assis.

Mūla bandha concerne l’espace entre nombril et plancher pelvien et maintient apāna en contact avec le feu.
Peut être maintenu tout au long du prānāyama après avoir été placé une première fois en même temps que uddīyana bandha. Il doit est maintenu lors de l’inspir qui suit. C’est le plus difficile. Il faut attendre d’être prêt.

III. ACTIONS SOLLICITÉES

Jālandhara bandha : le dos est droit, la tête un peu reculée (grâce au long du cou qui se trouve à l’avant). Les trois cervicales les plus hautes doivent toujours rester libres car ce sont les vertèbres liées à la perception (si chère au yoga), la vue, l’ouïe, l’odorat. La tête bascule sur la quatrième vertèbre, entrainée par le poids du menton, vers la fourchette sternale qui elle est en position haute, à la fin de l’inspir. Donc, c’est autant le menton qui va vers le sternum que le sternum qui va vers le menton. Cela requiert une nuque souple (ce que l’on travaille par exemple dans la table à deux pieds).

Uddīyana bandha : on commence à contracter le bas de l’abdomen au début de l’expir. C’est parce que le jālandhara bandha est légèrement renforcé et la colonne le plus détassée possible dans les deux directions, que pendant la suspension à vide, le diaphragme remonte, ainsi que la totalité du bas-ventre, vers le haut et l’arrière (on doit avoir l’impression que le nombril est proche de la colonne).
Les muscles du dos interviennent, en particulier les petits dentelés qui servent lors d’un expir profond à rapprocher le bas arrière des dernières côtes de la colonne. Pendant le bandha, ce sont ses insertions sur les côtes qui se font fixes pour tracter vers elle la colonne. Ainsi l’avant se rapproche de l’arrière mais aussi l’arrière se rapproche de l’avant.
Dans sa forme aboutie entrent en jeu aussi les muscles du rectum, mais il me semble que c’est à la fois un effet et une action.

Lorsque la suspension à vide est terminée, on relâche doucement l’abdomen. (On peut relâcher aussi un peu Jālandhara bandha à ce moment pour faciliter la redescente du diaphragme).

Mūla bandha : si, alors même qu’on relâche le diaphragme, on garde soulevée la zone de mūla, alors c’est cela mūla bandha. On prend l’uddīyana bandha puis le mūla bandha au cours de la première rétention à vide. On relâche ensuite l’uddīyana bandha tout en maintenant mūla bandha.

IV. EXEMPLE D’UNE PROGRESSION À LONG TERME

- Dans votre pratique habituelle introduire beaucoup de mouvements, d’extension ou d’alignement :
=> sur l’expir (lever les bras, monter dans le cobra ou la table à deux pieds, vous placer dans dandāsana etc.)
=> et sur la rétention à vide (descendre de la table à deux pieds, retourner front au sol après le 4 pattes, déplier les jambes vers le haut à partir de apanāsana, etc.)

- Se familiariser avec des prānāyama comme :
=> 12 R. avec jālandhara bandha et expir plus long que inspir.
=> 12 R. en rajoutant des suspensions à vide.

Quand cela vous est familier :
- Pratiquer tadaka mudra en position couchée sur le dos
- Uddīyana bandha dans des postures comme adho mukha et mahamudra
- Tester mūla bandha, en essayant de le maintenir à l’inspir alors que uddīyana se relâche.

Ne pas pratiquer les bandha pendant plus d’une ou deux postures dans une séance, ni pendant tout le prānāyama. Les introduire progressivement et rester ensuite en observation pour en recueillir les effets. Il me parait essentiel de laisser les effets s’inscrire et nous dire ce qu’ils ont à nous dire.
Par exemple :
=>12 respirations en prolongeant vos expirs et avec des suspensions à vide.
=> Puis 8 respirations, si les expirs sont assez profonds, en allongeant les suspensions après l’expir pour inviter uddīyana à se placer.
=> 6 à 8 respirations pour un retour progressif à la normale.

N.B. Ne vous battez pas avec mūla bandha. Peu de personnes sont prêtes à la pratiquer vraiment, c’est à dire à le garder pendant de nombreuses respirations à la suite. Entraînez-vous au premier.
Puis aux deux premiers.